Il y a encore 2 ans, Ingrid ne connaissait RIEN au vin. Les premiers clients qui voulaient déguster ? Elle n’avait qu’une envie, partir se cacher.
Si elle s’est retrouvée à la direction de la Bastide, c’est surtout par goût du défi, et franche amitié avec le propriétaire, Bruno Chamoin. D’origine bretonne, cette DRH parisienne a tout lâché pour apprendre sur le tas.
Alors quand je l’écoute me parler du soin apporté à l’ébourgeonnage, du démarchage dans les salons, des sangliers qui leur boulotent tous leurs raisins, de la première cuvée vinifiée en rouge…
Eh bien, je me dis qu’elle n’a pas chômé.
Car si le domaine existe depuis 1917, la « marque » Bastide Blacailloux n’a été créée que très récemment (2014). La grand-mère vinifiait sous la maison, dans sa mini-cave, le père donnait tout à la coopérative, avant de finalement tout arracher et de transformer les terres en surfaces céréalières.
C’est le fils, et donc propriétaire actuel, qui, depuis 2005, réalise son rêve de faire revivre le domaine, en parallèle de son activité professionnelle. À cette époque, il n’y a plus une seule vigne, et les outils de production datent quasiment d’un autre siècle. Peu importe. Il se donne les moyens à la hauteur de sa passion et, petit à petit, replante les parcelles. Il commence avec 50 ares, en 2009.
6 ans plus tard, c’est 22 hectares dont il peut s’enorgueillir, tous travaillés en bio. Il en reste encore une vingtaine à planter.
En parallèle, il fait construire une cave digne de ses projets ; et là, comme dans ses vignes, place au respect de l’environnement… et aux prouesses techniques. Il faut tout acheter, tout construire ? Eh bien, autant que ce soit à la pointe !
Résultat, la Bastide de Blacailloux c’est un étrange et séduisant mélange d’authenticité et de modernité.
Difficile de croire, quand on découvre l’installation aux côtés d’Ingrid, qu’elle n’avait aucune prédilection pour le vin avant de prendre les commandes d’un tel navire. Elle est plus que ravie de m’emmener faire le tour des parcelles et de crotter nos jolies bottes en cuir, elle est toute fière de me parler de leur « bébé chai », elle s’amuse de sa propre naïveté quant à la « culture du cubis » (qu’elle ignorait totalement), et elle scrute mon regard quand elle me dévoile ses nouvelles étiquettes…
C’est presque drôle de voir cette fonceuse, qui a eu dans une autre vie près de 250 personnes à manager, me regarder droit dans les yeux et me dire « c’est dur » et qu’elle aimerait « pouvoir prendre un peu de recul ».
Tu m’étonnes… Quand on voit le travail abattu, ne serait-ce que depuis l’ouverture de la cave et la création de la marque – c’est-à-dire 2014 – on se sent presque épuisé pour elle.
La vigne, le vin, ça ne ment pas. Ce métier de vigneron, quelque soit la façon dont on le décline – gérant, commercial, ouvrier… – il implique un dévouement total.
Et une polyvalence proche de la schizophrénie !
Côté dégustation, large place au rosé, qui représente pour le moment 70 % de la production. Pour moi, peu accoutumé à ce vin, l’exercice est difficile. Mais bonne surprise : on a ici des rosés très élégants, à la robe archi-pâle et avec une palette aromatique sur la fraîcheur, certes, mais aussi avec un certain gras, et une belle structure.
Mais… on ne se refait pas, mon coup de cœur va quand même pour le Quintessence d’éclosion 2015, le premier vin rouge de la Bastide (Syrah – Cabernet Sauvignon).
Les premières médailles commencent à tomber, les visiteurs sont de plus en plus nombreux, et les commandes affluent.
Alors bravo Ingrid, et bravo toute l’équipe de la Bastide. Un tel travail en si peu de temps, avec toujours une vraie recherche de qualité et un tel niveau d’exigence, ça force l’admiration.
P.S. : un grand merci à Véronique, qui m’a conduit d’Aix à la Bastide (perdue dans la pampa provençale, à 50 minutes de la gare). Que de vies pour une seule femme ! #rencontreinsolite