« Et vous, que ferez-vous dans 7 ans ? » … Rencontre et dégustation, avec Micheline Tarlant.

[DÉGUSTATION]

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Un article très en retard, mais à propos d’une dégustation que je tenais absolument à partager, celle des champagnes Tarlant.

La famille Tarlant, ce sont douze générations qui se sont succédées, au cœur de la Vallée de la Marne, dans le petit village de Oeuilly, au sommet d’un coteau.
Ici, les trois cépages principaux de la région sont cultivés, avec une grande majorité de Pinot Noir et, depuis quelques années, également quelques ceps de vieux cépages, dits « ancestraux » : Arbanne, Petit Mesliers, et Pinot Blanc. L’idée, c’est d’essayer de retrouver le goût du champagne d’autrefois, celui qui était élaboré au début du siècle dernier.
Le nom de la cuvée issue de ces parcelles ? BAM ! Comme Benoît (le fils, initiateur de ces nouveaux plants), Arbanne et Meslier. Mais ça marche aussi pour « Benoît And Mélanie », les deux enfants qui reprennent aujourd’hui les rênes, ou encore BAM ! comme attention, en bouche, « c’est rustique, c’est authentique« , comme dirait notre hôte.
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Toujours avec le sourire, Micheline répond à ma question, concernant le bio : « Le bio ? En partie, mais avec 14 hectares, dont certaines parcelles très capricieuses, la transition ne se fait pas du jour au lendemain… »

Aujourd’hui, la famille possède près de 14 hectares, répartis sur… 57 parcelles !

Et donc autant de diversité à l’arrivée : 57 vins différents, et une infinité de combinaison pour les champagnes.

La Champagne, ce grand puzzle…
Douze générations, c’est bien entendu aussi la force du temps : on peut en construire des choses sur autant d’années…
Et il en faut du temps, quand on fait du champagne ! Quatre ans pour les premiers raisins sur un cep de vigne, puis 3 trois ans avant de pouvoir déguster les premières cuvées…
Ça paraît d’autant plus incroyable, toute cette patience, quand on le ramène à sa propre échelle… C’est comme si on vous posait la question : « Et vous, que ferez-vous dans sept ans ? » 
(#bigbug #çacalme)
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Cette dégustation, c’est aussi l’occasion de parler histoire du champagne : « Avant on ne buvait pas de champagne dans la région ! On prenait un petit verre de Suze en apéro, et on ouvrait éventuellement un demi-sec pour accompagner le dessert, pour les grandes occasions ».
C’est vraiment depuis les années 1970 que les locaux ont à leur tour pris le pli et appris à déguster le vin de la région.
Après les guerres, et les années de reconstruction (n’oublions pas qu’ici, on était plus qu’aux premières loges), la tête était davantage à la fête…

De fil en aiguille, en remontant le temps, j’apprends également qu’autrefois, on ne pratiquait jamais la fameuse « malo » : la fermentation malolactique, obligatoire pour des vins tranquilles mais optionnelle pour le champagne. Lorsque Micheline et Jean-Mary se marient, en 1974, ils reprennent à leur tour l’exploitation familiale : il est alors de plus en plus répandu de faire cette fermentation, qui transforme les acides maliques du vin en acides lactiques. Ils suivent le mouvement, et obtiennent ainsi des vins plus souples, plus en rondeur. Micheline m’explique alors, de but en blanc, que la malo, en Champagne, c’est aussi une façon de vendre plus vite le vin, qui est plus rapidement prêt à être consommé…

Mais le couple n’aime pas la facilité, et fait marche arrière quelques années plus tard : ils préfèrent tous deux des champagnes plus « droits », mais aussi plus en fraîcheur. Quitte à garder bien plus longtemps les bouteilles en cave, pour éviter une trop grande dureté.
Et de fait, ici, la moindre cuvée a minimum 8 ans de cave !
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Quand je débarque avec deux amis pour la visite, nous sommes mi-juillet… L’été n’est toujours pas au rendez-vous, le mildiou se répand dans le vignoble, et la météo ne semble toujours pas s’améliorer… Les traitements s’enchaînent dans la vigne, les vignerons sont épuisés et anxieux. Ce que nous confirme Micheline : « Cette année, on n’en dort pas. Et s’il y a bien une chose que l’on n’arrive toujours pas à faire : c’est allonger les journées ! »

Des cépages ancestraux en expérimentation, 100 % des raisins en provenance de leurs parcelles, une vinification pointilleuse, des fûts sur mesure…

Et pour pousser jusqu’au bout la philosophie des Tarlant, celle de champagnes « authentiques », qui reflètent le savoir-faire et le terroir, il ne manque plus qu’à parler du dosage… inexistant.
Ici, en effet, les champagnes sont « non dosés », c’est-à-dire que l’on n’ajoute pas la traditionnelle liqueur à la toute fin, pour la petite touche de gourmandise.
En ce sens, les Tarlant ont été précurseurs dans ce que l’on appelle aussi le « brut nature », aujourd’hui très à la mode.
Leur cuvée la plus ancienne, la « Zéro Tarlant », existe ainsi depuis 35 ans. 
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Une bonne moitié des vins est vinifiée en barrique depuis 1989, avec du chêne des Vosges : « un bois fin, qui donne des échanges avec le vin très fins, presque fondus« . Chaque fût va être adapté au vin qui lui est destiné : « En cuverie, c’est de l’art, vous n’avez pas le droit à l’erreur… »

Et je ne saurais mieux résumer la dégustation qui suit que par cette remarque, de Micheline : « On ne fait bien que ce que l’on aime bien. »

Notes de dégustation :
1) Zéro Tarlant, Brut nature, avec 70-80 % de fût, base 2008, vins de réserve 2007/2006/2005.
Tirage en 2010, dégorgement 2015.
Parfait avec des huîtres.
2) Rosé d’assemblage (15 %  de vins rouges), Base 2008 et vins de réserve 2009. Dégorgement 2015.
Très salin, une jolie explosion de fraîcheur en bouche. Avec des crevettes, des langoustines, des gambas…
3) Millésime 2003, dégorgement août 2015
=> un millésime un peu particulier, le dernier mis en vente, le premier aussi pour Benoît, le fiston, rentré au domaine en 2000. Il avait envie de donner sa patte, d’être challengé aussi peut-être ? Car avec la canicule de cet été-là, ça n’a pas été une année facile. La cuvée s’appelle d’ailleurs « la matinale » : les vendangeurs amenaient vite, vite les raisins au pressoir avant 10h, et les portes étaient immédiatement refermées pour garder un maximum de fraîcheur.
Acidité, énergie.
4) Cuvée Louis (la plus ancienne) : une jolie robe dorée.
Base 2000, réserve 1999/1998/1997/1996. Le tirage s’est fait en 2001, et le dégorgement en 2015.
Une cuvée de prestige, qui a connu un autre millénaire !
Avec du chocolat noir, ou un toast de foie gras… du bonheur en bouche.
Et, pour information, on est sur du qualitatif, mais avec des prix extrêmement accessibles, au regard du travail et de la garde de ces bouteilles : de 30 à 70€.

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Site Internet : Champagne Tarlant.

Crédits (magnifiques) photos : R.L. 😉