Quand un vigneron vous recommande le vin d’un autre vigneron, en général, vous faites confiance.
Si en plus, vous êtes une grande fan du vin du premier, alors vous écoutez ses conseils quasi religieusement.
C’est exactement ce qu’il s’est passé quand Laurent Vauversin (vous vous souvenez ? 😉 ) m’a fortement conseillée de découvrir les champagnes de la famille De Sousa.
On est ici au coeur de la Côte des blancs, à Avize. Un village très côté, notamment grâce à son chardonnay, classé Grand Cru*.
Je suis reçue par Charlotte, la fille aînée d’Erick et Michelle De Sousa. Une rencontre en toute simplicité, et une visite qui s’apparente plus à une grande discussion pendant laquelle je découvre une histoire de famille qui se mêle à la grande Histoire…
Pour Charlotte, c’est la 5ème année au sein de la structure, avec 80 % de son temps de travail dédié à l’accueil de la clientèle, à l’export et à l’administratif. Autant dire… beaucoup de bureau. Si elle semble ravie d’aller une fois par an au Japon accompagner son importateur, elle avoue rêver à une meilleure répartition bureau/terrain, avec éventuellement un peu plus de temps dans les vignes. Car il ne faut pas se leurrer, le bureau c’est essentiellement la gestion des mille et un problèmes logistiques. « Une espèce de service après vente » me dit-elle en riant.
Le Champagne, c’est pas tous les jours glamour.
Quand il s’agit de raconter l’histoire de sa famille, Charlotte a les yeux qui pétillent. Et c’est avec une douceur qui semble ne jamais la quitter qu’elle m’explique que, ce nom portugais, elle le doit à son arrière grand-père, Manuel, arrivé dans la région pour prêter main forte lors de la Première guerre mondiale.
C’est troublant, on oublie trop souvent les origines de l’arrivée de ces fameux « immigrés »…
Quoiqu’il en soit, c’est son fils, Antoine, qui va se lancer dans l’aventure du champagne. Car Antoine est tombé amoureux de Zoémie, la fille d’une famille de producteurs déjà bien installés, les Bonville. Mais en tant que femme, dans l’immédiate après-guerre (la Seconde cette fois), elle sait qu’elle a très peu de chance d’hériter de la gestion du domaine familiale, face à son frère. C’est pourquoi, après avoir travaillé un temps pour sa belle-famille, Antoine décide de fonder sa propre maison.
Avec Zoémie, ils créent le Champagne De Sousa & fils. On est en 1950.
C’est le début d’une jolie success-story, qui connaît une nouvelle impulsion en 1986, avec l’arrivée aux commandes d’Erick, leur fils.
Ce dernier a de véritables convictions pour son champagne. Amoureux des vins de Bourgogne, il se rend vite compte que les vins qui lui « parlent », ce sont bien souvent des vins bio, sans intrants chimiques. Des vins qui expriment le terroir d’où ils proviennent, avec une certaine pureté et un vrai caractère. Avec sa femme, Michelle, ils décident donc d’opérer la conversion du domaine en biologique, puis en biodynamie.
Ce qui me plaît, dans ces explications de Charlotte, c’est qu’elle reste toujours réaliste, pragmatique. Elle ne cherche pas à me convaincre de quoique ce soit, elle assume les choix de la famille, les explique, mais ne s’excite pas pour me démontrer que, quand même, le cuivre est moins nocif que les produits chimiques et autres perturbateurs endocriniens utilisés par les voisins…
Elle n’en est que plus convaincante.
Et puis ça fait du bien de temps en temps d’entendre que quelqu’un est venu au bio par goût, pas par élimination de produits toxiques !
« Quand mon père goûtait nos vins, il trouvait qu’il manquait un petit détail, petit détail qu’il retrouvait bien souvent… dans les vins bio« .
Ce petit détail, c’est le terroir. Ce fameux terroir que ce terme hyper dévoyé de « bio » va justement essayer de réveiller.
Et le secret, c’est le sol : pousser la vigne à aller chercher plus loin, à enfoncer ses racines, plutôt que de la rendre paresseuse en lui donnant « à manger » à ses pieds. Ça signifie beaucoup de travail de labour et de décompactage des sols, et bien entendu de non-utilisation de désherbants.
Ça va parfois plus loin, mais là aussi, Charlotte reste prudente : « Nous on essaye à la maison de rester terre-à-terre. On ne croit en rien religieusement ». Traduisez : ici, on fait des choix avec bon sens. Aider la nature, accepter que l’on ne peut pas toujours tout expliquer, mais jamais au détriment des vins.
En ce moment, un gros quartz est posé dans le chai. « Au mieux, les propriétés antioxydantes de la pierre ont une incidence positive sur le vin en élevage. Au pire… c’est joli ! »
Voilà : ici, on ne demande qu’à progresser, en respectant le vivant, et en ne bousculant pas trop vite les traditions.
Usage de fûts de chêne, distinguo vieilles et jeunes vignes, pas de filtration ni de collage, pas de passage au froid (« on ouvre les fenêtres en hiver, ça suffit à faire tomber les cristaux ! »), bref, petit à petit, depuis 3 générations maintenant, la recherche d’un style qui leur ressemble… et de clients qui aiment ce style.
Pas l’inverse.
Résultat, une gamme de champagnes qui témoigne de cette ouverture d’esprit, et de ce travail consciencieux.
Pour ma part, je retrouve dans tous ces champagnes une certaine gourmandise, et j’ai très vite envie de les marier avec de bons produits… Fromages à pâte dure, champignons poêlés, truffe blanche… La bulle est toujours fine, la bouche prend une jolie ampleur, et les dernières notes aromatiques restent longtemps en bouche.
Les cuvées dégustées :
Merci Laurent pour cette recommandation, merci Charlotte pour cet accueil. 2h30… Damned ! Le temps passe vite en bonne compagnie…
*Où j’ai déjà rencontré Monsieur Selosse ou Madame Fallet-Prévostat…
Pour en savoir plus sur cette chouette famille, et en lire plus sur leur histoire et notamment le lien avec la Der des Der, petit clic ici !
Charlotte fait aussi partie d’une association de femmes productrices de champagne, les Fa’Bulleuses. En fouillant un peu, je suis tombée sur l’un de ses proverbes préférés, « Vis tes rêves, mais ne rêve pas ta vie ». On dirait que c’est plutôt en bonne voie 😉