J’ai eu beaucoup de mal à décrocher mon rendez-vous avec Olivier. Plusieurs messages sur le répondeur, un SMS, et finalement, quand je parviens enfin à l’avoir, un vigneron récalcitrant, qui ne me facilite pas du tout la tâche…
Son prétexte ?
« Je suis débordé, vraiment je n’ai pas le temps ».
Allez savoir, c’est peut-être mes origines bretonnes, ou bien justement mon hérédité languedocienne (#ADNtêtu), mais j’en fais un challenge personnel : je VERRAI Olivier Jeantet, qu’il le veuille ou non.
Et donc me voilà, ce mercredi 29 mars 2017, à la porte du Mas Haut-Buis, déterminée à découvrir ce vigneron grognon dont j’ai entendu le plus grand bien, mais avec qui j’ai soudain comme un doute que le courant passe…
Débordé, il l’est vraiment. Je peux l’avouer, je ne viens pas dans une période facile côté vigne : le printemps est très précoce, il y aurait près de 3 semaines d’avance dans le développement végétatif. Du coup, les vignerons se retrouvent plus que pris par le temps : alors qu’ils sont supposés avoir un chouilla de répit après la saison de la taille pour – par exemple – planter de nouveaux pieds/ faire de la mise en bouteille/ traiter leurs papiers en retard (une période de repos, quoi), les voilà à s’agiter dans tous les sens à la vue des bourgeons et des feuilles qui grossissent quasiment à vue d’oeil. Il va falloir anticiper les traitements, et surveiller tout ça de très, très près.
Et essayer de ne pas se laisser gagner par l’angoisse d’une gelée printanière.
Sous ses airs bourrus, Olivier a le coeur sur la main.
Quand il comprend que pour être chez lui au plus vite je n’ai pas mangé (#àlaguerrecommeàlaguerre), il me sert illico une plâtrée de daube faite maison par ses soins. Une tuerie.
Et rien de mieux pour détendre l’atmosphère. (#vivrepourmanger)
Quand nous partons pour un tour des vignes, je suis tout bonnement époustouflée par la beauté des lieux. Les Terrasses du Larzac c’est un enchaînement non pas de collines, mais de cirques, de falaises et, j’aurais presque envie de dire, de bébés canyons.
Devant ce spectacle, non seulement on se sent vite ému, mais, aux côtés d’Olivier, c’est juste galvanisant. Car Olivier est né ici. Il pourrait ne plus la voir cette magie que tout nouveau venu ressent face à ces paysages grandioses.
Ce n’est pas le cas.
Cela fait à peine 5 minutes que j’ai grimpé dans la voiture de ce fou de rallye (#mêmepaspeur), mais déjà je comprends que je suis avec un passionné : passionné de cette terre, dont il me livre un véritable cours géologique (« Tu le vois là, l’éboulis calcaire ? »), et passionné par son vignoble.
Et tout son travail prend alors sens : le terroir, ce n’est pas qu’une question de minéraux, d’argile ou de calcaire… « Non, ce n’est pas que le sol, le terroir… Et pourtant je te dis ça, moi je suis un fou du travail du sol. Non, le terroir c’est tout ça ».
Il se retourne, faisant alors face au panorama à couper le souffle :
« Si ICI tu n’arrives pas à faire du bon vin, alors faut changer de métier ».
Et pourtant la vigne ce n’était pas supposé être sa vocation, à Olivier.
Parti pour faire carrière dans le bâtiment, il n’a véritablement découvert cet univers du vin qu’après ses 20 ans.
Jusque là, pour lui, ce n’était que de l’industrie agricole. Il aurait pu ne jamais s’y intéresser.
Et c’est finalement grâce à son père qu’il s’est initié aux plaisirs du divin nectar.
La dégustation, mais aussi les subtilités de la production, suite à l’achat par le paternel d’une petite propriété dans la plaine.
Et c’est en 1998, à 27 ans tout juste, que la vie d’Olivier bascule.
« Aujourd’hui je peux finalement dire que je suis très heureux de mon histoire ».
Mais il en a fallu du recul, et du courage, pour en arriver à cette conclusion.
Cette fameuse année 1998 se passe en effet coup sur coup deux événements bouleversants : en janvier son père décède brutalement, en février, il devient lui-même papa, avec la naissance de son fils, Robin.
Olivier fait alors un choix de vie aussi audacieux que surprenant : il plaque tout pour devenir vigneron.
Il parcourt tout le Languedoc à la recherche d’un lieu qui lui plaît : « J’ai cherché partout, sauf chez moi ».
Et c’est grâce à des amis vignerons – et notamment Olivier Jullien – qu’il patiente jusqu’au coup de cœur décisif : « Il me disait « Quand tu trouveras où installer, tu le sauras »… et c’était vrai ».
Le coup de coeur, Olivier l’a eu dans cette parcelle, des Terrasses du Larzac, à quelques virages du village où il est né.
On est en décembre 1998 : le Mas Haut-Buis est né.
Aujourd’hui, Olivier a près de 14 hectares disséminés sur une trentaine de parcelles – un puzzle ! – et la passion n’a jamais cessé de croître.
Que ce soit dans ses vignes donc, avec un travail acharné pour « être propre » (Olivier est en bio, et se bat pour que d’autres le deviennent), ou dans la cuverie, où il semble toujours se remettre en question, à la recherche du meilleur pour ses vins, Olivier est devenu l’une de ces figures qui font la fierté du Larzac.
Il est tard, quand je repars enfin du Mas Haut-Buis.
J’ai les yeux qui piquent. Trop d’émotions, d’images.
Ces coteaux escarpés, la majesté du Cirque de Navacelles (« Comment ça tu ne connais pas Navacelles ????« ), ce camaïeu de verts et cette nature qui renaît follement en ce début de printemps fougueux, cette collection de cuves tronconiques, ces villages du Midi avec tant de caractère, ces visages ridés, marqués, que nous avons croisés…
Je suis tombée plus que sous le charme de ce micro-vignoble au coeur du Languedoc.
Merci, Olivier, pour ces quelques heures volées. Le sentiment d’avoir été une privilégiée, et d’avoir eu la chance de toucher, d’apercevoir, un petit bout de ta passion, et de ton si beau pays.
P.S. : Mauvaise nouvelle, ce qui était tant redouté est arrivé : il y a bien eu chute brutale des températures, notamment la nuit du 19 au 20 avril. Olivier a presque de la chance, peu de ses parcelles ont été touchées par le gel.
Ce n’est pas le cas de certains confrères, de la région et d’ailleurs qui ont parfois perdu plus de 80 % de leur future récolte en une nuit. Il est à l’heure actuelle encore trop tôt pour établir un bilan, mais on peut d’ores et déjà dire que ces gelées de printemps 2017 ont été dramatiques sur l’ensemble du vignoble français.
Pour plus d’informations, je vous invite à consulter la page Facebook de l’association Vendanges Solidaires.