Une visite et un scoop – Champagne Fallet-Prévostat

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Aujourd’hui, j’ai rencontré une vigneronne de 84 ans.

On m’avait prévenu :

« Tu vas voir, les Fallet-Prévostat, c’est un couple de plus de 80 ans, qui continue de travailler à l’ancienne… Dans leur cave, c’est la caverne d’Ali Baba ! Mais c’est aussi un joli domaine, qui malheureusement risque d’être repris par les grosses maisons… »

Et en effet : leur cave, c’est une vraie, creusée il y aurait plus de 300 ans : humide, voûtée, un dédale de petits et grands couloirs…

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Madame Fallet me raconte un peu son histoire, mais on sent que les confidences, ce n’est pas son truc. On ne se livre pas facilement, en bon Champenois…

Après un brevet commercial, elle est embauchée par le notaire du village, où elle reste 19 ans. Fille de vignerons, puis femme de vigneron, elle a l’habitude de passer ses weekends aux vignes. Aussi, c’est tout naturellement que, une fois leurs deux filles nées, elle quitte l’étude pour travailler à plein temps aux côtés de son mari.

Ce dernier avait, dès le début, l’ambition de devenir indépendant : vendangée en 1957, leur première cuvée est commercialisée en 1960. Et, une fois les affaires lancées, quelques dix années plus tard, il parvient à faire vieillir plus longtemps ses bouteilles, afin de leur donner cette jolie patine du temps…

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Ici, les champagnes vieillissent sur lattes au moins 7 ans (au lieu de 15 mois minimum), et constituent systématiquement un assemblage de 2 années successives, au préalable fermentées en fûts de chêne vieux de 40 ans. #timepower

Les filles ont grandi, et sont devenues médecins. Les propositions de rachat tombent, le couple ne cède pas. Tant bien que mal, ils continuent. Quand vraiment leur santé ne leur permet plus d’aller aux vignes ni de participer aux tâches de la vinification*, ils mettent quelques parcelles chez un prestataire, et d’autres en fermage par une grande maison, dont on taira le nom.

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Le « tube » de Monsieur, qui avait cette réputation d’enfourcher son tracteur tard le soir, pour attendre non pas la tombée de la nuit, mais la tombée du vent.

Et, il y a quelques semaines, la bonne nouvelle : Thomas, le petit-fils, étudiant en histoire et destiné à tenter les écoles de journalisme, va prendre la relève.

Quand elle me l’annonce, je sens comme un soulagement, une grande fierté aussi, mais réprimée. Comme si elle n’y croit pas encore complètement. Et de préciser, à plusieurs reprises « On ne l’a surtout pas poussé, hein ».

Alors oui, c’est certain, l’aventure ne fait que commencer pour Thomas.

Ce sera difficile, il va falloir reprendre des études de viticulture et d’œnologie, tout en travaillant en parallèle en alternance pour pouvoir aider un maximum au domaine.

Il va falloir progressivement s’approprier toutes les étapes de l’élaboration, mais aussi les enjeux, qu’ils soient administratifs ou commerciaux.

Timidement, très humblement, Thomas me glisse « Mais je crois que c’est un beau métier… »

Oui, c’est un beau métier, Thomas. Peut-être l’un des plus beaux même.

Alors bravo.

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Thomas et sa grand-mère (#soproud)

Moi qui redoutais cette visite, de peur de découvrir un domaine en voie de disparition, je suis repartie le coeur léger, et avec une envie : celle de crier haut et fort ma joie de voir une nouvelle génération oser…


Domaine Fallet-Prévostat, à Avize, Blanc de Blancs, Grand Cru. Cuvées Brut, Extra-Brut, et Nature.


*Pendant 50 ans, monsieur a dégorgé toutes ses bouteilles à la volée… Avec, les dernières années, près de 30 000 cols par an !