La saga Plageoles, chapitre 1

Florent, Romain, Bernard, Robert. 

Mais aussi Josy, Myriam, Fanny, Sandra et Marcel. Et puis Marc et François.

72h auprès de la famille Plageoles.

Une immersion à la fois douce et intense, au coeur du Gaillacois.

Comme une nouvelle langue, il me faudra du temps pour assimiler tout ce que j’ai appris auprès de ces amoureux de la vigne et du vin. Quand il m’a fallu reprendre la route, j’étais toute sonnée, électrisée de tant de partages, émue de si jolies rencontres, heureuse d’une telle confiance.

Vignes domaine Plageoles

Par où commencer ?

Par le sourire et la générosité immédiate de Florent et Romain, les frangins qui reprennent aujourd’hui le domaine ?

Ou bien par leur père, Bernard ? 

Bernard, dont je n’ai fait qu’entendre les louanges depuis le début de mon périple… L’ami et le mentor de tant de vignerons de la région et au-delà. Qui a filé des conseils, des coups de main, des coups de pied aussi pour en secouer certains, des coups de pouce, qu’ils soient financiers ou symboliques.

La vraie surprise de mon voyage, la rencontre avec un homme incontournable et discret à la fois.

De ces vignerons qui parviennent à conjuguer humilité et succès. 

Ou alors, attaquons par le début, avec Robert, le grand-père ? Celui par qui la saga Plageoles a commencé en quelque sorte. 

plageoles

Robert, qui a passé sa vie à défendre ses convictions, en en payant parfois le prix fort. Robert, qui a tellement dû se faire sa place, s’imposer, qu’il est aujourd’hui pour lui compliqué – pour ne pas dire impossible – de se faire tout petit.

Et puis, au fil des heures à leurs côtés, je prends aussi la mesure de la place des femmes. Loin de n’être que les compagnes, elles font partie intégrante de l’histoire de cette famille… Un point commun unit d’ailleurs tout ce petit monde : chaque couple est une équipe.

Robert et Josy, Myriam et Bernard, Sandra et Florent, et enfin, Romain et Fanny. À l’exception de cette dernière, qui est la seule à avoir choisi la voie du vin, et à vouloir intimement devenir vigneronne, dans les autres duos, c’est bien Monsieur qui est le vigneron, et madame a parfois rejoint le domaine. D’où l’accent ici sur ces hommes.

Mais gardez en tête que le récit qui suit n’aurait nullement été possible sans mes échanges avec ces femmes.

Josy Plageoles

Josy Plageoles

Je n’ai pas envie de suivre de trop près la chronologie. Avec les Plageoles, point d’académisme, ça ne leur ressemblerait pas. En revanche, pour faire durer le plaisir et être au plus proche du temps passé à leurs côtés, je vous propose un portrait de famille en quatre parties, à déguster avec l’accent et cette fossette rieuse qui caractérise si bien tous les protagonistes de ce récit…

Florent, Sandra, Fanny et Romain.

Chapitre 1 ◊ S’évader pour mieux se réunir 

Les Plageoles sont profondément d’ici, de ces vallons du Tarn où les champs de tournesols enflamment le paysage aux beaux jours. De cette région où la convivialité semble si simple, si naturelle. Où, l’été, chaque village propose son festival ou son marché nocturne. Ici, on ne comprend pas bien pourquoi dans les Atlas du vin on est classé dans le Sud-Ouest : « On est Languedocien ! » s’exclameront dans un même souffle et sans le savoir Bernard puis Robert. Leur capitale de coeur, c’est Toulouse, leur langue, c’est la langue d’Oc. Romain et Florent ne sont pas en reste, eux qui sont investis dans un groupement de vignerons en bio, pour mieux valoriser ces terres de Gaillac où ils sont nés, et où, ils en sont convaincus, il est possible de faire des vins extraordinaires.

Terres de Gaillac

L’invitation pour Terres de Gaillac*, par Michel Tolmer. Des vignerons à suivre, de très belles dégustations.

Et ce qui rend leur amour de leur terroir d’autant plus légitime, c’est qu’ils ont d’abord été voir si l’herbe était plus verte ailleurs !

Le premier à s’évader, ce fut Bernard. Né en 1956, il bénéficie de la vague de liberté de la décennie qui suit 1968, comme il le dit lui-même :

On avait besoin d’air ! Et puis, à cette époque, c’était si simple de trouver du travail au bout de la rue.

Alors Bernard voyage, dès ses 18 ans et déjà en compagnie de Myriam, pendant près de 10 ans : d’Agen à la Grèce, du fin fond de l’Europe à Toulouse, où il revient pour travailler dans une usine de « récupération de vieux papier ». On ne parle pas encore de recyclage.

Quand il revient au domaine familial, il a 28 ans, et son père, Robert, commence à avoir besoin d’aide. On est en 1983. 

Les cuves, les vignes, c’est plus que familier pour Bernard… et notamment grâce à sa passion du foot.

LE SPORT EN HÉRITAGE

Avant cette escapade, tandis qu’il est encore élève au lycée agricole de Lavaur, Bernard se retrouvait collé tous les dimanches. Contrairement à son père, l’école, c’est pas son truc.

C’est là qu’intervient Marcel.

Marcel, c’est le grand-père de Bernard, le père de Robert donc, ou l’arrière-grand-père de Florent et Romain. (Vous me suivez ?)

Et pour Bernard, Marcel c’était un super grand-père. C’était LE greffeur local : il avait ses quelques vignes, mais il officiait surtout pour beaucoup de domaines dans la région. Entre autre, pour l’un des responsables du lycée de Lavaur… Alors le dimanche, soi-disant pour terminer ses plants dans les temps, il allait réclamer son petit-fils. La meilleure des négociations pour permettre – certes – à Marcel d’enseigner 2-3 trucs du métier au petit Bernard, mais surtout une merveilleuse excuse pour ne pas louper le match de foot du dimanche.

Ou quand l’amour du ballon permet la transmission entre générations…

Robert Plageoles, course à pied à Gaillac

Robert, alors membre de l’équipe de France junior d’athlétisme.

Entre les deux compères, il y a donc Robert, qui lui aussi a très tôt été encouragé à l’effort sportif : mais lui, il n’est pas vraiment sport collectif. Son dada, c’est l’athlétisme. Les vallons du Gaillacois, il les a dévalés pendant des années. Et c’est d’ailleurs grâce à la compétition qu’il est « monté » à Paris pour la toute première fois :

Mon voyage était remboursé si j’étais dans les 50 premiers. J’ai terminé 47ème.

Aujourd’hui, Florent et Romain, après des années en club de foot, se défoulent ensemble dans ces coteaux parfois abruptes (j’ai testé) à l’occasion de séances de footing dominicales. Florent d’ailleurs, a failli ne jamais rejoindre le domaine : il a rêvé un temps de travailler pour la région, et de développer une offre touristique axée sur le sport. Mais suite à des blessures successives aux genoux, il a changé de cursus, a travaillé en ville pour la communication du département, avant de décider que, décidément, la vie de bureau ce n’était pas possible. Il s’envole alors pour la Nouvelle-Zélande, avec Sandra. Six mois plus tard, ils revenaient ensemble au domaine, et Florent annonçait à Bernard : « C’est ton métier que je veux faire ».

tracteur au domaine Plageoles

Il a alors fallu reprendre des études dans le vin. Albi, Gramat (Lot), Beaune… et enfin un retour au domaine pour une année d’alternance.

Ce qui a beaucoup simplifié les choses, car c’est pas évident de travailler avec son fils (et réciproquement) c’est la présence de Jérôme. C’est lui qui a vraiment formé Florent, puis Romain d’ailleurs. Il a été comme un grand frère pour eux. C’est notre 3ème fils, Jérôme ! 

Jérôme, c’est Jérôme Galaup*, salarié pendant 17 ans chez les Plageoles.

Oui, quand on aime, on ne compte pas.

« Le hasard n’existe pas. C’est un concours de circonstances » – Robert Plageoles

La suite de la saga dans le Chapitre 2 « Accepter la passion »


*Terres de Gaillac a été créé il y’a plus de 10 ans par Messieurs Lavite, Issaly, Lescarret et… Bernard Plageoles

**Jérôme est aujourd’hui installé sur son propre domaine, la Ferme du vert, avec ses trois enfants, dont une fille que j’ai eu la chance – oui je pèse mes mots – de rencontrer au salon : à peine 17 ans et déjà brillante. Quant à Jérôme… un homme qui semble lui aussi animé d’une énergie un peu magique.