[REPORTAGE]
Une famille, 16 hectares, et une conviction :
« L’objectif, c’est de faire du Vertus, du Cramant, du Avize : ce qu’on veut, c’est avoir le goût de l’endroit »
Bienvenu à Vertus, chez les Larmandier-Bernier : une exploitation familiale*, dont l’on pourrait résumer le travail par une volonté de pureté du goût. Attention, pureté ne signifie pas sans caractère, bien au contraire. Non, ce que recherchent Sophie et Pierre, c’est le reflet de leurs sols, c’est l’envie de traduire en champagnes l’identité de chacun des villages où ils ont des vignes.
Et depuis 1999, pour traduire le plus fidèlement possible leur terroir, Sophie et Pierre Larmandier ont fait le choix d’être en biodynamie.
Quand je leur rends visite, en cette fin de mois de juin, c’est une période assez tendue : après une vague de gelées assez catastrophique dans beaucoup de régions viticoles dont la Champagne, l’été peine à arriver. La plus grande crainte ici est celle du mildiou : une maladie qui se développe à la faveur d’un printemps pluvieux et doux. Autant vous dire qu’avec les fortes précipitations des dernières semaines, les conditions sont aujourd’hui i-dé-ales pour ce petit champignon… Et en effet, on commence à en voir des tâches sur les feuilles quand on se promène dans le vignoble.
Tout l’enjeu pour les vignerons maintenant, c’est d’empêcher la prolifération. Or, en bio, on n’utilise que des produits de contact pour traiter : autrement dit, dès qu’il pleut un peu trop, c’est dilué, et il faut y retourner… Résultat, les vignerons bio en Champagne ré-enfourchent leur tracteur à la moindre éclaircie, avec la tension qui monte à chaque fois d’un cran : si le champipi prend le dessus, c’est une année de travail de foutu qui s’envole en fumée.
Selon Sophie, « il faut encore que la vigne résiste une dizaine de jours, ensuite, ça devrait aller mieux« .
(Dans des discussions comme celles-ci, j’ai vraiment le sentiment d’être en plein feuilleton. What’s next ???)
En l’occurrence, il reste encore à passer tout l’été sans encombre, avec son lot d’orages, de grêles, et le développement d’éventuelles autres maladies. Et puis, bien sûr, une jolie maturité des raisins. Et à ce sujet, Sophie est catégorique :
« Le rendement, c’est la clé. Si l’on accepte de diminuer le rendement, il y aura une plus grande stabilité au moment des vendanges.«
Entendez par là, que, si l’on accepte de ne pas booster comme un malade sa vigne, il « suffit » (#facileàdire) de savoir ensuite attendre le bon moment pour vendanger, et avoir ainsi un bon équilibre maturité/acidité qui est a priori plus solide, plus pérenne.
« Nous, on vendange quasiment systématiquement 2-3 jours après nos voisins. Mais ça change beaucoup la donne.«
De fait, j’apprends que ces deux jours de décalage peuvent se traduire par une vendange à 11° potentiels d’alcool, au lieu des 9°/10° coutumiers : mais du coup, pas besoin de chaptaliser, c’est-à-dire d’ajouter du sucre pour regagner en degré d’alcool ensuite.
Ça, c’est pour la vigne.
Côté vinification, la maison Larmandier a la grande singularité de n’utiliser que des levures dites indigènes, c’est-à-dire celles contenues naturellement dans les raisins**.
Vous l’aurez compris, ici, que ce soit dans la vigne ou dans le vin, moins on ajoute d’intrants, plus on est contents.
Si je voulais résumer les caractéristiques de cette maison, on aurait une to-do list de ce genre :
« Nous ce qu’on recherche avec l’élevage en bois, c’est la respiration«
« Le sucre, ça alourdit, ça masque aussi…«
Et côté dégustation ? Eh bien, un vrai coup de cœur pour le Terre de Vertus 2009, que je trouve à la fois rond, gourmand, vivant… Un 100 % Chardonnay, non dosé, qui me reste en bouche pendant de longues minutes.
La suite de l’histoire ? Demandez aux trois fils…
*Pierre et Sophie ont repris le domaine en 1988, et emploient 10 personnes. Ce sont donc des récoltants-manipulants, dans le jargon des champenois : ils font tout eux-mêmes.
**Normalement, un vigneron achète des levures de synthèse, et les ajoute à son moût pour provoquer la fermentation alcoolique.
***pour comparaison, en Champagne l’usage à cette étape, c’est plutôt 2 semaines, en cuves inox.
Pour plus d’informations sur le Champagne Larmandier-Bernier, vous pouvez vous rendre sur leur site Internet.
Aujourd’hui, ils se sont regroupés avec des amis vignerons qui partagent la même philosophie de la vigne et du vin, dans une association non officielle, baptisée « Trait d’Union » : le Champagne Selosse à Avize ; Jacquesson à Dizy ; Egly-Ouriet à Ambonnay ; La Closerie à Gueux, Roger Coulon à Vrigny (#attentionçapèse).